Le GIAPS a rédigé une tribune pour rappeler que non seulement l’égalité n’est pas négociable mais qu’en plus les avancées en termes de droits pour les personnes LGBT ont profité au plus grand nombre (PACS, droits des usagers du système de santé, Convention AERAS…).
» Des responsables associatifs considèrent que la création d’un nouveau mode de filiation dans le cadre de la loi de bioéthique prévoyant l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) reste insuffisante.
Déposé fin juillet à l’Assemblée nationale, le projet de loi de bioéthique, qui ouvre l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples lesbiens, prévoyait également de créer un nouveau mode de filiation, réservé aux couples de femmes : la déclaration anticipée de volonté (DAV). Les critiques n’ont pas manqué : dérogatoire au droit commun et fondé sur l’orientation sexuelle des parents, un tel système stigmatiserait les enfants, les familles homoparentales et les personnes LGBT. Le 9 septembre, Nicole Belloubet a donc annoncé des aménagements au projet, afin de répondre, de manière symbolique, à un «sentiment de discrimination» qui aurait été ressenti par les personnes homosexuelles. La DAV initialement prévue devient une « reconnaissance prénatale conjointe », intégrée au titre VII du Code civil relatif à la filiation, juste après le droit applicable aux couples hétérosexuels.
Ces évolutions, limitées, privent toujours les couples lesbiens des règles dont bénéficient les couples hétérosexuels ayant recours à un don de gamètes. La réticence dont la ministre fait preuve démontre une méconnaissance du système de filiation actuel et surtout témoigne d’un refus de rendre le droit commun applicable aux personnes LGBT alors même que leurs luttes ont contribué à des avancées significatives du droit.
Hiérarchie implicite
Dans les années 1960-1970, le « droit à la différence » a été utilisé comme slogan pour dénoncer les persécutions dont étaient victimes les homosexuels, et pour revendiquer leur droit à en être protégés : par le droit pénal et par le droit anti-discrimination, exactement comme l’ont été d’autres groupes minorisés.
Mais les insultes et les violences homophobes sont loin d’être éradiquées et ne font pas, dans les faits, l’objet de sanctions systématiques. La lutte contre l’homophobie ne peut en réalité être menée que si elle s’accompagne d’une stricte égalité sur le plan des droits civils et familiaux.Tant qu’il existera des droits différents entre les hétérosexuels et les homosexuels au motif que leur « différence » justifie qu’on les traite différemment, la protection pénale et la lutte contre les discriminations seramise en échec.
Le « droit à la différence », mobilisé pour protéger contre toute forme de discrimination et de violences dans l’espace public, ne saurait être retourné contre les personnes LGBT pour leur refuser l’accès à une véritable égalité des droits et en droit.
La création d’un droit de la filiation dérogatoire et spécifique pour les enfants issus de PMA dans des couples lesbiens est justifiée par le fait de ne pas « assimiler totalement » les différents régimes de filiation afin de ne « pas porter atteinte aux couples hétérosexuels . Mais l’égalité n’a jamais retiré aucun droit à personne ! Quel est dès lors le rôle de cette distinction inscrite dans le droit si ce n’est de rappeler qu’il existe une hiérarchie implicite entre les couples hétérosexuels et les couples lesbiens ?
À l’inverse de ce discours qui met les droits de chacun en concurrence, il est important de rappeler que, non seulement l’égalité ne porte pas atteinte aux droits des hétérosexuels, mais qu’en outre, les luttes des personnes LGBT leur ont très largement bénéficié. Les avancées juridiques suivantes sont notamment le fruit des luttes des homosexuels à la suite de l »épidémie de VIH/sida : reconnaissance des droits sociaux du concubin vis-à-vis de la sécurité sociale et de droits au logement; création du PACS aujourd’hui utilisé à 95% par des couples hétérosexuels; négociation de la Convention AREAS qui permet d’assurer les emprunteurs à risque aggravé de santé; consécration des droits des patients et de leur expertise dans le fonctionnement du système de santé… Autant de droits qui ont été acquis de haute lutte par les homosexuels et qui ont été profitables aux hétérosexuels.
Même dispositif pour tous
De même, les lesbiennes qui ont soutenu ces combats ont été très actives, dès les années 1960-1970, parmi les mouvements féministes de la deuxième vague. Elles ont ainsi largement contribué à la légalisation de la contraception et de l’interruption volontaire de grossesse, bien qu’elles n’aient été que peu concernées par ces questions…
Ces combats n’ont pas été menés au nom de l’assimilation mais bien de la protection : protéger son concubin, son partenaire, soi-même, ses intérêts patrimoniaux… Est-il illégitime de la part des couples de femmes de souhaiter, aujourd’hui, protéger leurs enfants ? De souhaiter que leur filiation ne soit pas établie par des règles dérogatoires qui porteraient la marque de leur homosexualité ?
Nous ne voulons pas de la DAV, ni d’une « reconnaissance prénatale conjointe » qui, même inscrite dans le titre VII, reste un droit dérogatoire. Nous voulons le même dispositif que celui dont bénéficient aujourd’hui les couples hétérosexuels : ni plus ni moins. Nous voulons que les femmes lesbiennes aient accès au don de gamètes et que ces actes soient remboursés; nous voulons que les femmes lesbiennes qui portent leur enfant en soient les mères à leur naissance, par simple mention de leur accouchement; nous voulons que leurs épouses deviennent mères par présomption de comaternité, et que les femmes non mariées reconnaissent leur enfant né de PMA, exactement comme le font les pères qui recourent à un don de sperme.
Une telle ouverture réaffirmerait, dans notre droit, que les parents, tous les parents, qui conçoivent grâce à un don sont les seuls parents de leurs enfants, et que l »on est aussi parent parce que l’on s’engage, envers son conjoint dans le mariage, envers ses enfants par la reconnaissance. N’est-ce pas ici, de nouveau, une avancée pour toutes les familles ?
Signataires :
Dominique Boren, coprésident de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL); Lisa Carayon, présidente de l’association Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles (GIAPS); Laurène Chesnel, déléguée familles de l’Inter-LGBT; Jérémy Falédam, coprésident de SOS homophobie ; Véronique Godet,coprésidente de SOS homophobie ; Marie Mesnil, vice-présidente du GIAPS; Marie-Claude Picardat, coprésidente de l’APGL; Véronique Séhier, vice-présidente du Planning familial.